Fermetures de commerces en série dans le centre-ville de La Seyne.
Depuis quelques jours, plusieurs acteurs du commerce du centre ancien annoncent la fin de leur activité. Causes principales avancées : la piétonnisation du secteur et les travaux du moment.
Après une vague de départs retentissants en 2022, marquée par le déménagement de L’Atelier des choux (réinstallé à Six-Fours) et la fermeture de la boutique Marionnaud, le centre ancien connaît une nouvelle série de cessations d’activité.
Certes, le phénomène touche beaucoup de centres- villes dans l’Hexagone du fait, entre autres, de la concurrence des grandes surfaces et des boutiques en ligne, mais aussi d’une crise du pouvoir d’achat. Pour autant, la situation seynoise paraît inquiétante car les fermetures de commerces ne sont pas compensées par les quelques ouvertures intervenues récemment. Sans compter que le marché du cours Louis-Blanc, autrefois locomotive du centre-ville, ne cesse de décliner. Pour les acteurs concernés, la dégradation récente serait en partie due à la piétonnisation entrée en vigueur en octobre 2021, mais aussi aux travaux actuels sur le cours Louis-Blanc. Témoignages de commerçants qui, tous, disent en avoir "gros sur le cœur".
Philippe : la fin d’une histoire familiale
« Mes parents ont ouvert le magasin en 1971, et nous l’avons repris avec ma femme en 1990 », rappelle Philippe Dray, gérant de la boutique Philipp, magasin de prêt-à-porter situé rue Franchipani. « Après une dégradation progressive, observe-t-il, les choses se sont accentuées depuis trois ans. Au début, c’était quelques articles vendus en moins par semaine, puis plusieurs dizaines par mois. Au bout du compte, ça ne nous permet plus de tenir parce que les marques qu’on propose nous imposent un minimum de ventes pour continuer à travailler avec elles. Jusque-là, on y arrivait mais là, on ne peut plus ».
Cette baisse d’activité récente, Philippe et Emmanuelle l’attribuent en grande partie à la piétonnisation. « Avant, expliquent-ils, des gens qui passaient en voiture devant la boutique jetaient un coup d’œil puis allaient se garer et venaient acheter quelques articles. Depuis trois ans, on ne fait plus de ventes d’impulsion de ce type. On a aussi perdu les personnes à mobilité réduite qui se faisaient déposer devant le magasin, mais qui ne peuvent plus venir. »
« Un manque de préparation »
Pour le couple, « la piétonnisation, c’est normalement la fin d’un processus, une fois qu’on a pré
paré le tissu commercial, par des aménagements et des embellissements pour rendre le secteur plus attractif, mais aussi en rénovant des locaux commerciaux pour améliorer et renforcer l’offre. Et quand tout est place, on ferme aux voitures ». « En fait, estiment-ils, il aurait fallu regarder les villes où ça fonctionne, et s’inspirer de leur démarche. Mais là, on a fait d’un centre-ville moribond un quasi-désert »...
Leur décision est donc prise : le magasin fermera au plus tard le 20 décembre. Philippe va prendre sa retraite, tandis qu’Emmanuelle, comptable de formation, va chercher un emploi ailleurs.
L’Avenue des saveurs plie boutique
Présente depuis 2017 sur le cours Louis-Blanc, l’enseigne L’Avenue des saveurs, spécialisée dans le service de traiteur et l'organisation événementielle, fermera le 1er décembre. « Depuis trois ans, explique son responsable Mickael Leroy, les ventes en semaine ont chuté (sans parler des conséquences des travaux actuels sur le cours), tandis que le chiffre d’affaires du week-end, qui était de 1 000 à 1 500 euros, est désormais compris entre 300 et 600 euros ».
En cause, selon lui, la piétonnisation : « Une grande partie de mes clients ne se déplacent plus mais commandent par téléphone. Mais comme la fréquentation du cours a chuté, on vend beaucoup moins de produits quotidiens. Donc on va fermer la boutique, ce qui nous permettra d’économiser près de 3 000 E par mois, et on va se concentrer sur les prestations pour les cérémonies (mariages, baptêmes, anniversaires et autres événements), mais sans point de vente directe. En sortant du centre-ville, on pourra redresser la situation. C’est malheureux ; je ne pensais pas qu’on tomberait si bas. »
« Ils ont fait les choses à l’envers »
« Avec la piétonnisation, estime Mickael Leroy, ils ont fait les choses à l’envers. Car ce doit être un processus qui passe par des aménagements en amont pour relancer l’attractivité commerciale et créer un cadre de vie valorisé. Nous, on a tendu plusieurs fois la main, à titre individuel ou collectif, on a participé à une dizaine de réunions qui n’ont abouti à rien, aucune de nos propositions n’a été prise en compte, sauf le changement de nom du parking Martini... »
Pourtant, en février 2022, la ville avait consenti à assouplir les règles, en permettant à nouveau aux véhicules de circuler l’après-midi sur le cours Louis-Blanc. « C’était indispensable car plus aucun commerçant ne travaillait l’après-midi. Mais ça n’a pas inversé la tendance, observe Mickael Leroy. Et depuis, soit les commerçants cessent leur activité, soit ils partent en galerie marchande ou dans d’autres centres-villes, comme Six-Fours ou Sanary. »
Lui parle même de « trahison de la mairie parce que, quand elle vantait les bienfaits de la piétonnisation, elle mettait en avant la possibilité d’ouvrir des espaces d’animation pour dynamiser le secteur. Résultat : la plupart des animations sont organisées sur le parc de la Navale… »
O Belem prêt à mettre les voiles
Raoul Balbino, gérant du restaurant O Belem, sur le cours Louis-Blanc, a fermé depuis quinze jours car, dit-il, « je ne peux plus travailler du fait des travaux. Je suis en cessation d’activité, mais de toute façon, je ne pense pas pouvoir continuer ».
« Pour moi, ajoute-t-il, le pire a été la fermeture du cours à la circulation le soir, depuis juin dernier. Car c’est le service de fin de journée qui me permettait de gagner ma vie, représentant 60 % de ma marge. Quant au service du midi, qui contribuait à faire tourner la machine, c’est de pire en pire. Cet été, j’ai eu des journées avec un seul client et je tournais en moyenne avec une quinzaine de couverts alors que, par le passé, j’en avais entre 40 et 50. Avec les charges qui ne cessent d’augmenter (l’électricité, l’assurance…), je ne peux plus m’en sortir. »
« Il y a quelques années encore, poursuit Raoul Balbino, nous avions le plus beau marché provençal du Var, qui donnait un coup de pouce à tous les acteurs du cours Louis-Blanc. Mais il a été réduit et souffre de la concurrence de ceux qui ont été développés à Berthe et aux Sablettes. C’est sûr qu’il y a une tendance générale négative qui incite moins les gens à sortir et à dépenser, mais ici, rien n’est fait pour que ça s’arrange. »
S’ajoute à ce contexte, poursuit le restaurateur, « un appauvrissement du centre-ville qui a commencé avant la piétonnisation, mais celle-ci a aggravé la situation, surtout qu’elle a été faite sans écouter les commerçants qui ont été mis devant le fait accompli. Et puis quand les festivités étaient organisées dans le centre ancien, cela faisait venir du monde et permettait aux commerçants de travailler. Mais maintenant, tout ou presque se déroule sur le parc de la Navale ».
« En fait, conclut Raoul Balbino, avec le déclin de mon affaire, j’ai perdu dix ans de ma vie et près de 100 000 euros. Le peu que j’avais de côté, je l’ai bouffé et là, je ne peux plus renflouer. »
https://www.varmatin.com/commerce/fermetures-de-commerces-en-serie-en-centre-ville-955781
Depuis quelques jours, plusieurs acteurs du commerce du centre ancien annoncent la fin de leur activité. Causes principales avancées : la piétonnisation du secteur et les travaux du moment.
Après une vague de départs retentissants en 2022, marquée par le déménagement de L’Atelier des choux (réinstallé à Six-Fours) et la fermeture de la boutique Marionnaud, le centre ancien connaît une nouvelle série de cessations d’activité.
Certes, le phénomène touche beaucoup de centres- villes dans l’Hexagone du fait, entre autres, de la concurrence des grandes surfaces et des boutiques en ligne, mais aussi d’une crise du pouvoir d’achat. Pour autant, la situation seynoise paraît inquiétante car les fermetures de commerces ne sont pas compensées par les quelques ouvertures intervenues récemment. Sans compter que le marché du cours Louis-Blanc, autrefois locomotive du centre-ville, ne cesse de décliner. Pour les acteurs concernés, la dégradation récente serait en partie due à la piétonnisation entrée en vigueur en octobre 2021, mais aussi aux travaux actuels sur le cours Louis-Blanc. Témoignages de commerçants qui, tous, disent en avoir "gros sur le cœur".
Philippe : la fin d’une histoire familiale
« Mes parents ont ouvert le magasin en 1971, et nous l’avons repris avec ma femme en 1990 », rappelle Philippe Dray, gérant de la boutique Philipp, magasin de prêt-à-porter situé rue Franchipani. « Après une dégradation progressive, observe-t-il, les choses se sont accentuées depuis trois ans. Au début, c’était quelques articles vendus en moins par semaine, puis plusieurs dizaines par mois. Au bout du compte, ça ne nous permet plus de tenir parce que les marques qu’on propose nous imposent un minimum de ventes pour continuer à travailler avec elles. Jusque-là, on y arrivait mais là, on ne peut plus ».
Cette baisse d’activité récente, Philippe et Emmanuelle l’attribuent en grande partie à la piétonnisation. « Avant, expliquent-ils, des gens qui passaient en voiture devant la boutique jetaient un coup d’œil puis allaient se garer et venaient acheter quelques articles. Depuis trois ans, on ne fait plus de ventes d’impulsion de ce type. On a aussi perdu les personnes à mobilité réduite qui se faisaient déposer devant le magasin, mais qui ne peuvent plus venir. »
« Un manque de préparation »
Pour le couple, « la piétonnisation, c’est normalement la fin d’un processus, une fois qu’on a pré
paré le tissu commercial, par des aménagements et des embellissements pour rendre le secteur plus attractif, mais aussi en rénovant des locaux commerciaux pour améliorer et renforcer l’offre. Et quand tout est place, on ferme aux voitures ». « En fait, estiment-ils, il aurait fallu regarder les villes où ça fonctionne, et s’inspirer de leur démarche. Mais là, on a fait d’un centre-ville moribond un quasi-désert »...
Leur décision est donc prise : le magasin fermera au plus tard le 20 décembre. Philippe va prendre sa retraite, tandis qu’Emmanuelle, comptable de formation, va chercher un emploi ailleurs.
L’Avenue des saveurs plie boutique
Présente depuis 2017 sur le cours Louis-Blanc, l’enseigne L’Avenue des saveurs, spécialisée dans le service de traiteur et l'organisation événementielle, fermera le 1er décembre. « Depuis trois ans, explique son responsable Mickael Leroy, les ventes en semaine ont chuté (sans parler des conséquences des travaux actuels sur le cours), tandis que le chiffre d’affaires du week-end, qui était de 1 000 à 1 500 euros, est désormais compris entre 300 et 600 euros ».
En cause, selon lui, la piétonnisation : « Une grande partie de mes clients ne se déplacent plus mais commandent par téléphone. Mais comme la fréquentation du cours a chuté, on vend beaucoup moins de produits quotidiens. Donc on va fermer la boutique, ce qui nous permettra d’économiser près de 3 000 E par mois, et on va se concentrer sur les prestations pour les cérémonies (mariages, baptêmes, anniversaires et autres événements), mais sans point de vente directe. En sortant du centre-ville, on pourra redresser la situation. C’est malheureux ; je ne pensais pas qu’on tomberait si bas. »
« Ils ont fait les choses à l’envers »
« Avec la piétonnisation, estime Mickael Leroy, ils ont fait les choses à l’envers. Car ce doit être un processus qui passe par des aménagements en amont pour relancer l’attractivité commerciale et créer un cadre de vie valorisé. Nous, on a tendu plusieurs fois la main, à titre individuel ou collectif, on a participé à une dizaine de réunions qui n’ont abouti à rien, aucune de nos propositions n’a été prise en compte, sauf le changement de nom du parking Martini... »
Pourtant, en février 2022, la ville avait consenti à assouplir les règles, en permettant à nouveau aux véhicules de circuler l’après-midi sur le cours Louis-Blanc. « C’était indispensable car plus aucun commerçant ne travaillait l’après-midi. Mais ça n’a pas inversé la tendance, observe Mickael Leroy. Et depuis, soit les commerçants cessent leur activité, soit ils partent en galerie marchande ou dans d’autres centres-villes, comme Six-Fours ou Sanary. »
Lui parle même de « trahison de la mairie parce que, quand elle vantait les bienfaits de la piétonnisation, elle mettait en avant la possibilité d’ouvrir des espaces d’animation pour dynamiser le secteur. Résultat : la plupart des animations sont organisées sur le parc de la Navale… »
O Belem prêt à mettre les voiles
Raoul Balbino, gérant du restaurant O Belem, sur le cours Louis-Blanc, a fermé depuis quinze jours car, dit-il, « je ne peux plus travailler du fait des travaux. Je suis en cessation d’activité, mais de toute façon, je ne pense pas pouvoir continuer ».
« Pour moi, ajoute-t-il, le pire a été la fermeture du cours à la circulation le soir, depuis juin dernier. Car c’est le service de fin de journée qui me permettait de gagner ma vie, représentant 60 % de ma marge. Quant au service du midi, qui contribuait à faire tourner la machine, c’est de pire en pire. Cet été, j’ai eu des journées avec un seul client et je tournais en moyenne avec une quinzaine de couverts alors que, par le passé, j’en avais entre 40 et 50. Avec les charges qui ne cessent d’augmenter (l’électricité, l’assurance…), je ne peux plus m’en sortir. »
« Il y a quelques années encore, poursuit Raoul Balbino, nous avions le plus beau marché provençal du Var, qui donnait un coup de pouce à tous les acteurs du cours Louis-Blanc. Mais il a été réduit et souffre de la concurrence de ceux qui ont été développés à Berthe et aux Sablettes. C’est sûr qu’il y a une tendance générale négative qui incite moins les gens à sortir et à dépenser, mais ici, rien n’est fait pour que ça s’arrange. »
S’ajoute à ce contexte, poursuit le restaurateur, « un appauvrissement du centre-ville qui a commencé avant la piétonnisation, mais celle-ci a aggravé la situation, surtout qu’elle a été faite sans écouter les commerçants qui ont été mis devant le fait accompli. Et puis quand les festivités étaient organisées dans le centre ancien, cela faisait venir du monde et permettait aux commerçants de travailler. Mais maintenant, tout ou presque se déroule sur le parc de la Navale ».
« En fait, conclut Raoul Balbino, avec le déclin de mon affaire, j’ai perdu dix ans de ma vie et près de 100 000 euros. Le peu que j’avais de côté, je l’ai bouffé et là, je ne peux plus renflouer. »
https://www.varmatin.com/commerce/fermetures-de-commerces-en-serie-en-centre-ville-955781