Interview de la Présidente de la Commission scientifique du CHAS

Interview de la Présidente de la Commission scientifique du CHAS (1/1)

Hélène SERVANT, Présidente de la Commission scientifique du CHAS, Conservateur général du patrimoine, Chef du Département des patrimoines culturels à la Direction générale – Assistance publique – Hôpitaux de Paris



Hélène SERVANT, Présidente de la Commission scientifique du CHAS

Hélène SERVANT, Présidente de la Commission scientifique du CHAS

Vous avez accepté de devenir Présidente de la Commission scientifique du comité d'histoire des administrations chargées de la Santé (CHAS), quelle réaction vous a suscité votre nomination ?

De la fierté bien sûr, pour commencer, mêlée d'un peu d'excitation : il est toujours stimulant de se lancer dans une nouvelle aventure, de répondre à un nouveau défi… et ensuite, quand on a répondu « oui », surgit un petit moment d'effroi : « dans quoi me suis-je embarquée ? » et surtout « serai-je à la hauteur de ce nouveau défi ? »


Avant d'accepter cette fonction, quel est votre parcours professionnel en lien avec l'histoire de la santé ? Vous êtes-vous particulièrement intéressée à l'histoire des hôpitaux ?

Depuis 2016, je dirige le Département des patrimoines culturels de l'AP-HP [Assistance publique-Hôpitaux de Paris], qui réunit le Service central des archives et le musée de l'AP-HP. L'un des objectifs de ce département, nouvellement créé, était de valoriser l'histoire et la mémoire de l'institution à travers son patrimoine, tant écrit (archives) que matériel (œuvres du musée). La mise en perspective de ces deux collections, dont les 2 documents les plus anciens datent au XIIe siècle, permet des regards croisés et complémentaires sur l'histoire des hôpitaux à Paris et en Île-de-France depuis le Moyen Âge, et partant, sur celle du territoire, de sa population, et de sa prise en charge, sociale et sanitaire.


À ce titre, je suis membre des conseils d'administration et scientifique de la Société française d'histoire des hôpitaux, qui s'emploie sans relâche à promouvoir son terrain de recherche.


Auparavant, en tant que directrice d'archives départementales, j'ai eu à contrôler la production documentaire des hôpitaux de mon territoire d'exercice – à vrai dire, il s'agissait surtout de délivrer des autorisations de destruction de milliers de dossiers médicaux… Je me suis aussi intéressée aux fonds d'archives hospitalières du Moyen Âge et d'Ancien Régime, à une époque où le soin et l'hôpital étaient l'apanage de congrégations religieuses.

En résumé, quand on est archiviste, l'histoire de l'hôpital n'est jamais très loin !


Quelles sont les missions de la Commission scientifique et votre rôle en tant que présidente de la Commission scientifique ?

L'histoire de l'hôpital public, de la santé publique et de la manière dont elle est prise en charge par les pouvoirs publics croise l'existence de chacune et chacun. À l'heure où la pandémie de la Covid 19 a mis en évidence tant les fragilités que les forces de notre système de santé, et alors que de nouvelles épidémies menacent, la création du CHAS constitue une formidable opportunité d'interroger cette histoire, sur le court et le long termes, et de la raconter à tous. La commission scientifique, formée de personnes compétentes issues de divers horizons et notamment d'historiens de toutes périodes, aura pour mission de proposer et mettre en œuvre, directement ou indirectement, un programme d'activités scientifiques restituant cette histoire aux autorités institutionnelles comme au grand public, afin de puiser dans cette connaissance pour comprendre le présent, voire imaginer l'avenir.


En tant que présidente de la commission scientifique, je m'efforcerai de recueillir ses propositions, de coordonner ses travaux, d'accompagner leur mise en œuvre, et de faire le trait d'union avec la présidente du CHAS.


Selon vous, pourquoi est-il important de préserver et d'étudier l'histoire des administrations et des politiques de santé ?

Notre société s'inquiète aujourd'hui de son système de santé, dont elle exige toujours plus, sans forcément percevoir les enjeux et les conséquences de cette attente en termes administratifs, financiers, humains.

Les crises telles que celle de la Covid-19, en bousculant les cadres, font émerger des solutions nouvelles qu'il convient ensuite d'évaluer. Il est aussi nécessaire de laisser à une politique publique le temps de se déployer que de procéder ensuite à son évaluation. Depuis une vingtaine d'années, on a vu le paysage institutionnel de la santé profondément remodelé : disparitions des DASS et des DRASS dans le cadre de la RGPP à la fin des années 2000, remplacement des ARH par les ARS… Il est temps de procéder à des études sérieuses, fondées sur les archives et menées avec le recul nécessaire à l'Histoire. Les pouvoirs publics pourront ensuite, en toute connaissance de cause, faire leurs choix pour le bien commun.


Pouvez-vous partager quelques projets proposés par la Commission, dont un qui vous tiens particulièrement à cœur ?

La présidente, Roselyne Bachelot, a souhaité d'emblée placer les travaux du CHAS sous l'ombre tutélaire du grand historien Marc Bloch (1886-1944), dont on commémore cette année le 80e anniversaire de la mort, fusillé par les Allemands. En tant qu'historienne et médiéviste, c'est bien sûr pour moi une figure essentielle. Célébrer la mémoire de Marc Bloch, c'est rendre hommage à son Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien, publiée à titre posthume en 1949 ; c'est rappeler les vertus d'une histoire capable d'articuler le passé et le présent pour mieux comprendre son temps.


C'est d'ailleurs sous l'inspiration de Marc Bloch que le CHAS a formé le projet de recueillir les témoignages de personnalités ayant œuvré à l'élaboration ou la mise en œuvre de politiques de santé. Cette campagne, conduite sous la forme d'une collecte de témoignages oraux, permettra de confronter la parole des acteurs au matériau écrit des archives et de favoriser ainsi les travaux des historiens à venir. Il s'agit d'un projet très stimulant.


Enfin, à plus court terme, le CHAS contribuera au début de l'année 2025 à commémorer les 50 ans de la loi Veil en faveur de l'avortement, dont la valeur fondamentale a été consacrée par son inscription le 4 mars dernier dans la constitution de la Ve République.


Autant de projets, à court, moyen ou long terme, qui augurent d'une activité intense et passionnante au sein du CHAS pour les années à venir !

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