Une étude approfondie sur la Laitue d’eau

Une étude approfondie sur la Laitue d’eau (1/1)

Fédération de pêche du Gard


Les espèces exotiques envahissantes sont des espèces qui ont été introduites par l’homme de manière volontaire ou involontaire. Ces espèces sont considérées comme envahissante par leur capacité élevée de dispersion, de reproduction et l’absence de compétiteurs ou de prédateurs naturels. Si ces conditions sont remplies, l’espèce peu s’acclimater et ainsi coloniser de nombreux milieux.


La Laitue d’eau (Pistia stratiotes) en est une.


Présentation de la Laitue d’eau


C’est une plante aquatique libre flottante originaire des régions tropicales qui forme de petites colonies où les individus fille sont autour du plan mère rattacher par des stolons. Sa dispersion se fait lorsque les stolons se cassent, libérant ainsi les plans fille qui viendront former d’autres colonies. Cela peut créer de grand tapis de végétations pouvant recouvrir de grandes surfaces. Le développement excessif de Pistia stratiotes pose de nombreux problèmes comparables aux autres plantes aquatique libres flottantes invasives:



  • elle impact les activités humaines notamment en limitant l’accès à l’eau. De plus, les ouvrages (écluses, canaux et déversoirs) peuvent être grandement impactés notamment à cause de la diminution de la vitesse d’écoulement de l’eau.

  • elle impacte les écosystèmes aquatiques en limitant la photosynthèse et en prenant une place non-négligeable sur les autres plantes aquatiques et pourrait modifier la physico-chimie de l’eau.



Son développement est optimal lorsque les températures sont comprises entre 22 et 30° C et que la concentration en nutriment est élevé. La laitue d’eau est une plante qui meurt quand elle est prise la glace avec une température extérieure proche de 0 °C, mais peut résister à des températures négatives si ses feuilles sont en contact direct avec une eau d’au moins 10°C. En France, l’espèce fleurie mais la viabilité des graines n’est pas avérée (avec néanmoins des cas en Allemagne qui ont un taux de germination élevé). De plus, en Europe, P. stratiotes n’a pas de prédateur naturel. L’utilisation d’un charançon (Neophrydonomus affinis) s’est avérer efficace contre cette plante dans certains pays. Néanmoins, l’utilisation d’insectes absents naturellement du territoire est un pari risqué si l’on ne dispose pas de connaissance sur les impacts potentiels de l’espèce.


Les premières données de présence en France datent d’avant 1992 en Auvergne. Ensuite, 2 autres stations ont été recensées en 1998 et en 1999. Puis, la Laitue d’eau a été présente de manière récurrente dans la Moselle entre 2002 et 2015. Depuis, la présence de l’espèce de manière pérenne est avérée uniquement sur le contre-canal du Rhône. Les premières observations datent de 2005 avec une gestion par enlèvement depuis 2012 par la CNR.


Objectif de l’étude


Avec une colonisation observée en 2016 de près de 17 km du contre canal, avec des tronçons recouverts à 100 %, et une colonisation excessive et récurrente annuellement, la Fédération a pu se lancer dans une étude avec différents partenaire l’a soutenant et y trouvant un intérêt.


Cette étude comporte 3 axes:



  1. Déterminer si l’espèce a un impact sur la physico-chimie de son environnement notamment les paramètres liés à l’oxygène (O2 dissous, saturation en O2), le pH, la conductivité et la température. Des sondes de pénétration de la lumière dans l’eau ont par ailleurs été placées à la fois dans le tapis de végétation et dans l’eau libre.

  2. Cartographier l’expansion de la Laitue d’eau, afin de connaître sa vitesse de propagation et le moment où le développement devient plus important, et les potentielles interactions avec les autres espèces de plantes aquatiques.

  3. Comprendre l’interaction entre la Pistia et la faune aquatique, avec des plongées scientifiques organisées permettant d’identifier les espèces et l’évolution du substrat pour les tapis de végétation.


Secteur d’étude


Ebauche de résultats


L’étude n’est pas encore finie, mais plusieurs paramètres peuvent d’ores et déjà donner des tendances, notamment pour le volet cartographie et physico-chimie.


Physico chimie


Evolution au cours du temps des différents paramètres étudiés en dehors du tapis de P. stratiotes.


Le graphique (A) et (B) représentent respectivement la saturation et la concentration en oxygène dissous. Ces valeurs tendent à diminuer avec l’arrivé de l’été et sont inversement corrélées avec la température (C). En effet, la concentration en oxygène dans l’eau est liée à sa température : il est donc normal d’avoir des valeurs d’oxygènes qui diminuent. Néanmoins, les valeurs restent dans la tolérance de l’espèce cible en deuxième catégorie : le brochet. Ce dernier a une croissance correcte entre 10 et 23 °C, ici la température maximale est de 22°C. Pour ce qui est du pH, les valeurs restent sensiblement les mêmes avec un pH compris entre 8 et 7,5, ce qui est dans la gamme attendue en eau douce. De même pour la conductivité qui a des valeurs qui tendent à diminuer, mais qui restent dans une gamme de valeurs cohérente (450-350).


Les valeurs des différents paramètres sont sensiblement similaires entre les zones envahies par la laitue d’eau et celles en eau libre. Néanmoins, un seul paramètre a une différence significative sur le tronçon 2  : la température. En effet, il est observé une température en moyenne plus chaude dans la Laitue d’eau.


Ces résultats ne sont pas en accord avec la bibliographie, où les auteurs s’accordent à dire que la laitue d’eau joue un rôle dans la diminution de la concentration en oxygène dissous et du pH. Néanmoins, le contre canal est un milieu courant avec certes un faible courant, mais un brassage continue de l’eau. Cela laisse penser que l’eau modifiée par le tapis de laitue d’eau se retrouve dilué avec le courant.


Vitesse de colonisation


Durant les différents relevés, de nombreuses espèces ont été contactées (25). Plusieurs d’entre-elles sont des plantes invasives tels que la Jussie et le Myriophylle du brésil. Néanmoins, de nombreuses espèces sont des espèces autochtones tels que le Myriophylle en épis, la Menthe aquatique et le Cératophylle nageant. Les plantes aquatiques jouent un rôle prépondérant pour les milieux aquatiques: elles participent à la reproduction de nombreux êtres vivants notamment le brochet, fournissent des caches idéales pour les alevins qui vont venir échapper à la prédation et se nourrir de phytoplancton et participent à réguler les particules en suspension et la qualité de l’eau favorisant ainsi une eau moins turbide.


Evolution du recouvrement en Laitue d’eau


La carte ci-dessus permet de visualiser l’évolution de la surface colonisée par P. stratiotes au fil des mois. Il est notable que celle-ci a augmenté de manière importante entre le mois de juin et le mois de juillet. Sur ce tronçon, le front de colonisation est passé de 382 à 1600 m² en 1 mois. Cela permet de bien comprendre qu’avec l’arrivé des températures chaudes, la plante dispose de conditions optimales pour se développer et ainsi coloniser à la fois le devant de l’écluse, mais aussi toutes les bordures.


De manière globale sur le périmètre de l’étude, le graphique ci-contre confirme la cartographie avec une grande augmentation de la surface colonisée entre le mois de juin et le mois de juillet où la surface totale de tapis de laitue d’eau passe de 714 à 4 787 m².

En comparaison, le tapis de P. stratiotes atteignait la moitié du tronçon à la même date l’année dernière, ce qui indique que la prolifération de l’espèce avait démarré bien plus tôt. Le printemps très pluvieux et relativement frais  de cette année 2024 et les grosses crues de printemps ont dû participer au « retard » de croissance et à emporter les premières colonies repérées en mars.


 


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