La mort du capitaine Thomas Anthony Mellows 

La mort du capitaine Thomas Anthony Mellows  (1/1)

 Comme tous les combattants appartenant aux armées du Commonwealth, que l’on enterre dans le sol du pays où ils sont tombés, le capitaine Mellows a été enterré au cimetière du centre à Mont-de-Marsan.


Ici, comme dans tous les autres cimetières où c’est le cas, la présence de tombes de soldats du Commonwealth est signalée par une plaque verte à l’entrée.


Voici les éléments concernant la disparition du capitaine Mellows tels qu’on peut les trouver dans son dossier au sein des Archives Nationales britanniques à Kew, dans la banlieue de Londres. En dehors de divers documents administratifs, il contient les témoignages du capitaine US Everett Allen et du sergent M. Carey, tous deux membres également du réseau Jedburgh. (Teams Miles et Martin) qui ont accompagné Mellows pour sa mission à Mont-de-Marsan.


Tout d’abord quelques détails biographiques : Thomas Anthony Mellows est né le 8 mars 1920 à Peterborough, une ville moyenne d’Angleterre située à environ 150 kilomètres au nord de Londres, dans le Lincolnshire, où ses parents ont une propriété « The Vineyard ».


Il est donc Anglais et non pas Canadien comme on le voit écrit parfois.


Entre 1934 et 1938, il est interne dans un établissement réputé, le Malborough College, avant de rejoindre jusqu’en 1939 le non moins fameux « Kings College », un des 31 collèges (célèbre pour sa chapelle gothique) qui forment l’Université de Cambridge.


Officier au sein du 27ème Lanciers depuis janvier 1941, c’est le 15 juin 1943 que le lieutenant Thomas Anthony Mellows rejoint le Special Operations Executive ( Direction des Opérations Spéciales ), une branche militaire des services secrets britanniques créée à dessein par Winston Churchill afin de soutenir, organiser et encadrer sur le terrain les divers mouvements de résistance en territoire occupé. Le 26 juin 1944, il rejoint Alger. Afin de faciliter la relation hiérarchique avec d’autres officiers, comme tous les autres chefs d’équipes, il est nommé « capitaine de terrain ».


Dans la nuit du 16 au 17 aout 1944, emmené dans un bombardier B-24 « Liberator » comme leader de l’équipe « Martin » du groupe Jedburgh avec un officier français (commandant Rémond) et un opérateur radio (Sergent Carey), vers 00h15 il saute en parachute au-dessus d’Aignan, au sud-ouest de Nogaro afin de prêter main forte au réseau Wheelright du colonel George Starr. Il se blesse malheureusement à la cheville lors du saut. Soigné sur place, il se déplace à l’aide d’une canne et rejoint les forces locales du maquis sous le commandement du colonel Parisot. Le 18, après de violents combats à l’Isle-Jourdain où entre 200 et 300 Allemands sont tués ou faits prisonniers (les chiffres varient entre les rapports), ils entrent dans Auch libéré. C’est là que le lendemain ils reçoivent l’information que la garnison de Mont-de-Marsan, forte de 2000 hommes, accepterait de se rendre à un officier américain ou britannique. Bien que conseillé de rester sur place pour soigner sa cheville, le capitaine Mellows se porte volontaire et accompagné du capitaine américain Allen, du lieutenant français Fourcade et du sergent anglais Carey, il rejoint Mont-de-Marsan le 19 en fin d’après-midi où il passe la nuit en compagnie du maquis à l’extérieur de la ville. Les rapports sur la situation des Allemands sont nombreux et contradictoires.


Le lendemain matin, ils ont rendez-vous avec les responsables locaux de la Résistance (le colonel Carnot et Léon des Landes) pour former le Comité de Libération, établir les plans pour la libération de la ville et proposer une demande de reddition au commandant de la place. Ce dernier demande un temps de réflexion qu’il met à profit pour organiser son départ et, dans la nuit du 20 au 21 août, les troupes allemandes quittent la base après avoir fait sauter leurs installations, armement (canons de DCA) et stocks de munitions.


Dans Mont-de-Marsan, la libération est fêtée avec joie, une foule considérable se rassemble en ville et assiste au défilé des nombreux maquisards (on parle de 600). C’est au cours du banquet, organisé à la Préfecture pour fêter l’évènement, qu’un rapport est remis au colonel Carnot : il annonce l’approche d’une vingtaine de camions ennemis sur la route de Dax en direction de Mont-de-Marsan (d’autres rapports donnent les chiffres de 40 à 50 véhicules).


Entre 15 et 16 heures, Carnot, Mellows, Allen et Fourcade montent à bord d’une voiture pour faire le tour de la ville et un point de situation sur ses capacités de défense. Il n’en existe pas, il faut tout organiser rapidement. Vers 17 h 30, alors qu’ils sont en train d’inspecter un des barrages mis en place sur la route de Dax, la colonne allemande apparaît à l’horizon et ouvre le feu, balayant la route avec des tirs de mitrailleuse et de canon anti-char.


Les trois officiers gagnent rapidement la forêt environnante mais Mellows, probablement déjà blessé à la poitrine et au ventre lors des premiers échanges de coup de feu, et certainement handicapé par sa cheville, ne peut pas les rejoindre. La voiture et Mellows sont capturés par les Allemands. Les combats durent jusqu’à 22h30 où chaque camp, ne sachant pas vraiment s’il est vainqueur ou perdant, se retire de son côté.


Personne ensuite ne peut donner les détails de la mort de Thomas Mellows. Une équipe de maquisards lancée à sa recherche, retrouve son corps dans un fossé au bord d’un chemin le matin du 22 août. On lui a enlevé son uniforme et tiré plusieurs balles dans la tête avec son propre Colt 45. Si les faits tels qu’ils sont décrits laissent à penser à une exécution, même le capitaine Allen se garde de le mentionner dans son rapport, faute de témoin.


Quelques jours après son enterrement dans le cimetière du Centre à Mont-de-Marsan, une cérémonie religieuse est organisée en son honneur dans la cathédrale de Peterborough et ses collègues des « Special Forces » plantent un cèdre à sa mémoire dans le parc de la propriété du « Vineyard ». Une plaque, gravée par le sculpteur Percy Smith et commémorant cet évènement, est posée au pied de l’arbre avec le texte suivant : « À la mémoire du capitaine Thomas Anthony Mellows (Tony) du 27ème lancier mort de ses blessures le 21 aout 1944. Cet arbre a été planté par ses frères d’armes officiers et amis des Forces Spéciales (Insigne du 27ème lancier) ».


Par contre, son appareil photo Leica qu’il emportait partout avec lui n’a jamais été retrouvé.


Thomas aimait la poésie. Il écrivait lui-même des poèmes et il portait toujours sur lui une édition des œuvres du poète anglais Shelley. Quelques poèmes écrits à Alger alors qu’il attendait son départ pour la France et le livre de Shelley ont été retrouvés sur son lieu de décès.


Voici l’un d’entre eux et sa traduction :


« The Fellowship of Arms »                              

Some things are better left unsaid,                     

We wonder and are silent; yet we live.                

Though more of us are dead                                    


Who laughed and gave all that man had to give.


Who did not try to bargain with their fate,           


But staked themselves and threw the dice,           

With steady hands, some early, and some late,   

And could not hazard twice.                                        

They do not hear the trumpets sound ;                  


Fame is a poor companion in the grave ;               


And six feet underground,                                        


There lies no consolation for the brave.                  

But we have something no one else can know,    

No poet’s pen can hymn its charms,                          

No great musician draw it from his bow,                


The fellowship of arms.                                               


And smoky time will mellow death,                          


Forgiving nature heal a victor’s scars,   


Till memory’s seasoned breath   


Kindles the flame that turned our thoughts        


To Mars. »   


« La camaraderie des armes »


Certaines choses sont mieux si on n’en parle pas,


Nous nous interrogeons et restons silencieux ; et pourtant nous vivons.


Bien que beaucoup de nous soient morts


Qui ont donné en riant tout ce qu’un homme doit donner


Qui n’ont pas essayé de négocier leur destin,


Mais misant sur eux-mêmes ont fait rouler les dés, d’une main


Assurée, certains l’auront fait tôt, certains autres plus tard,


Et n’ont pas pu jouer deux fois.


Ils n’entendent pas le bruit des trompettes ;


La renommée est un piètre compagnon dans la tombe ;


Et six pieds sous terre,


Il n’y a aucune consolation pour les braves.


Mais nous savons une chose que personne d’autre ne peut savoir,


Dont la plume d’aucun poète ne peut louer les charmes,


Qu’aucun grand musicien ne peut tirer de sa corde,


La camaraderie des armes.


Et le brouillard du temps adoucira la mort,


La nature qui pardonne cicatrisera les plaies du vainqueur,


Jusqu’au moment où à nouveau le souffle de la mémoire


Allumera la flamme qui a tourné nos pensées


Vers Mars. »

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