C’était il y a 106 ans.
À la 11ème heure du 11ème jour du 11ème mois, de la boue des Flandres à la frontière suisse, les clairons égrènent les notes du « cessez-le-feu ». Aux fiertés de la victoire se mêlent les ombre des « péris en terre », accompagnés de ceux qui les pleurent.
Ce sont ces sacrifices que nous commémorons aujourd’hui, auxquels sont agrégés depuis 2012 celui de tous les « morts pour la France ».
Les épreuves qu’ils ont traversées sont inimaginables.
Selon les mots du général de Castelnau, leur vie, c’était « marcher, marcher encore, marcher quand même, à demi-mort de fatigue, trempé jusqu’aux os, transi de froid ou bien épuisé de chaleur et de soif dans l’air embrasé d’une journée torride (…). Gravir la pente du terrain sous le lourd fardeau du sac, charger baïonnette au canon dans le sifflement des balles, le crépitement des mitrailleuses et le mugissement des obus. Combattre le jour, combattre la nuit, veiller toujours ; mourir obscurément dans le sillon d’un labour ».
Honorer leur mémoire, c’est écouter ce qu’ils continuent à nous dire aujourd’hui.
Ils nous parlent de devoirs, devoir de gratitude, de lucidité et de certitude.
La gratitude, c’est tout simplement de se souvenir du sacrifice de ces hommes qui ont donné leur existence pour que la France demeure.
La lucidité, c’est de ne pas oublier que 21 ans après que les canons se fussent tus, il fallut reprendre les armes en 1939. Une conjonction de lâcheté et d’aveuglement avait transformé la « der des der » en simple « armistice de vingt ans », pour reprendre les mots du maréchal Foch.
À un moment où la tragédie de la guerre a fait son grand retour en Europe, à l’heure où Des puissances remettent en cause les fondements de l’ordre et du droit international, ceux de 14 et de toutes les guerres nous commandent de continuer à défendre la paix.
Arrêtons-nous un instant sur ce point : les conditions sociétales, diplomatiques, existentielles qui ont entrainés le démarrage des deux conflits majeurs du 20ème siècle, replis économiques, repli des sociétés et des citoyens sur eux mêmes, développement des peurs irraisonnées, xénophobie, montée des nationalismes, sont à nouveau d’actualité. La mémoire vive de la souffrance gravée par les conflits dans la chaire de nos ainés, parents, grand-parents nous fait aujourd’hui défaut. Leur hébétude, leur stupéfaction, devant les ruines et les morts, devant le gigantesque gâchis humain et matériel le lendemain de l’armistice, nous ne l’avons pas connus, nous ne savons pas cette douleur et cette honte.
La guerre aujourd'hui est déjà trop présente, en Ukraine, en Israel, au Liban, au Moyen-Orient ou en Afrique… Revisitons la souffrance de nos ainés et retrouvons nos capacités d’empathie et de solidarité…
La certitude, c’est celle de ne jamais avoir à douter des ressources de la France pour affronter les défis qui se présentent à elle. La guerre change de visage, mais les soldats de France demeurent animés de la même volonté de défendre l’honneur et la patrie.
Ce 106ème anniversaire de l’armistice du 11 novembre est aussi celui du 80ème anniversaire de la Libération : souvenons-nous des soldats du commando Kieffer sur les plages de Normandie le 6 juin 1944 ; souvenons-nous des soldats de la 1ère armée de de Lattre sur les plages de Provence ;
de ceux de la 2ème division blindée du général Leclerc qui, depuis le désert de Kouffra remontèrent jusqu’à Strasbourg pour la libérer et accomplir leur serment ;
souvenons-nous des héros de la résistance intérieure, du calvaire des incorporés de force d’Alsace-Moselle, et depuis, du courage des parachutistes de Dien Bien Phu, de celui des soldats qui se battent en opération extérieure et notamment ceux du Liban qui y défendent la paix depuis 1978 : comment ne pas voir leur ressemblance avec les Poilus de 1914 ?
C’est pourquoi, réunis au pied du monument aux morts, élus, citoyens, anciens combattants, écoliers, nous sommes et devont rester, en plus d’être les gardiens des morts, les sentinelles des vivants.
Vive la République !
Et vive la France