Commémoration des 80 ans de la libération de Tinténiac - Texte du discours de M. le Maire

Commémoration des 80 ans de la libération de Tinténiac - Texte du discours de M. le Maire (1/1)

Cérémonie du 23 août 2024
Commémoration des 80 ans de la Libération de Tinténiac (2 août 1944)

Texte du discours prononcé au monument aux morts (Square Albert Tostivint) par M. Le Maire de Tinténiac, Christian Toczé.

Monsieur Loïc Régeard, Président de la Communauté de Communes Bretagne Romantique,
Monsieur Louis Rochefort, Maire Honoraire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur Gaëtan Lavollée, chef de Centre du Centre d’Incendie et de Secours de Tinténiac,
Mesdames et Messieurs les Sapeurs-Pompiers,
Monsieur Cyril Gilbert, Président de l’Union Nationale des Combattants
Monsieur Thierry Mazurier, Président du Souvenir Français,
Monsieur Joris Brouard, représentant l’Association Nationale des Anciens Combattants et Amis de la Résistance,
Monsieur Eric Beaty, Président du comité de Jumelage Rennes–Rochester, ancien Directeur de l’institut Franco-Américain et Ancien spécialiste économique et commercial au consulat des Etats-Unis,
Mesdames et Messieurs les anciens combattants,
Mesdames et Messieurs les organisateurs et contributeurs à ces manifestations,
Mesdames et Messieurs,

Aujourd'hui, nous nous réunissons pour honorer un jour historique et célébrer un moment décisif dans notre histoire : la libération de Tinténiac le 2 août 1944. Ce jour marque non seulement la fin d'une longue période d'occupation et de souffrances, mais aussi le début d'une nouvelle ère de liberté et d'espoir pour notre Commune.

Pour pleinement saisir la signification de cette journée, il est essentiel de se remémorer le contexte difficile de l'époque. Monsieur André Ferré, Maire de Tinténiac au début de la guerre, est un exemple emblématique du courage et du dévouement.

Ce dernier n'était pas étranger aux bruits des canons et à la dureté du front, car il avait déjà combattu pour la France lors de la Première Guerre mondiale. Sous-lieutenant en 1918, il fut cité à l'ordre de l'armée pour son héroïsme comme chef de section en s’illustrant par un courage et un sang-froid remarquables. Cet acte de bravoure lui valut la médaille militaire et la croix de guerre avec palme.

Fait prisonnier en mai de cette même année, il fut finalement rapatrié le 10 janvier 1919, portant en lui les cicatrices indélébiles d'une génération sacrifiée.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, André Ferré, Maire de Tinténiac depuis 1937, fut de nouveau appelé sous les drapeaux par la mobilisation générale. Le 2 septembre 1939, il rejoignit son corps d'armée, conscient des sombres jours qui s'annonçaient. Malheureusement, son courage inébranlable ne suffira pas à le protéger de l'adversité. Le 4 juin 1940, sur la plage de Malo Terminus à Dunkerque, il fut à nouveau fait prisonnier. S'ensuivit une longue marche, suivie de transports en autocar, camion et train, qui le menèrent finalement à un camp de prisonniers à Elsterhorst, en Allemagne.

Les conditions de détention étaient éprouvantes. Jour après jour, Monsieur Ferré s'affaiblit, jusqu'à ce que ses forces le trahissent. Le 8 octobre 1940, il s'éteignit loin de sa terre natale, mais toujours porté par l'amour de son pays.

Quatre mois plus tôt, le 17 juin 1940, les troupes allemandes arrivèrent de Saint-Malo. Des habitants se souviennent encore de cette journée où les soldats tournaient en rond autour de la place de la commune, marchant au pas de l'oie. Les enfants, dans leur innocence, tentèrent de les imiter, mais furent rapidement renvoyés par les officiers aux cris de "Raoust". Bientôt, les soldats se dispersèrent dans toutes les maisons vides de la commune. La Kommandantur fut d'abord installée dans la maison Chauvin, près de la mairie, puis dans la maison Boucher et enfin, celle de Monsieur et Madame Renault.

La vie sous l'Occupation s'organisa tant bien que mal. Je vous livre ci-après plusieurs témoignages qu’ont bien voulu me confier des habitants ayant vécu cette période dans notre commune et ce, sans ordre chronologique.

La place du centre-bourg, de nombreux jardins des maisons de la commune et des fermes environnantes, furent marquées par des tranchées creusées profondément pour se protéger d'éventuels bombardements. Un couvre-feu strict fut instauré à 21h chaque soir, forçant les habitants à couvrir leurs fenêtres de grands rideaux noirs pour ne laisser filtrer aucune lumière. Les patrouilles allemandes n'hésitaient pas à perquisitionner les maisons, soulevant parfois même les draps dans les chambres des enfants.

Malgré la présence oppressante des soldats, certains habitants firent preuve de courage, souvent de manière discrète mais déterminée. Un cafetier décida de retirer le mot "café" de son enseigne pour éviter d'accueillir des soldats allemands. Un cordonnier, quant à lui, décolla le bout des bottes de soldats allemands en y insérant de la cire, espérant ainsi qu'elles ne tiendraient pas dans les conditions rigoureuses des campagnes de Russie.

Madame Chantrel, la postière, sauva de nombreuses vies en brûlant des lettres de dénonciation, tandis que le père Daudet, un moine de Ploërmel, risqua sa vie en cachant un émetteur radio dans le grenier d'un commerçant. Cet acte héroïque, bien que nécessaire pour la cause, remplissait d'angoisse l'épouse du commerçant, qui vivait dans la crainte constante d'une découverte par les Allemands.

Deux sœurs, en se rendant dans un de leurs champs, remarquèrent que certaines traverses des rails du Petit Tacot, reliant Rennes à Saint-Malo, avaient été dévissées. Elles alertèrent immédiatement le maire, Monsieur Henri Hamon, qui répara aussitôt les rails de peur que les Allemands ne découvrent le sabotage et ne prennent des otages parmi la population. En effet, la commune avait dû fournir une liste aux Allemands. Le père Groussard, vicaire de la Commune, avait dit, qu’il devait être le premier à y passer.

À Noël, les Allemands ont mis un gros sapin devant le bar du marché. Il était tout illuminé avec des petits sacs de noix tout autour. Bien sûr trois jeunes de la commune, dont André Briot, se sont permis de chiper chacun un sac.

Les conditions de vie étaient rudes, mais l'humanité persistait. En 1940, des habitants de Tinténiac apportèrent de quoi se couvrir aux prisonniers malgaches détenus dans des baraques en tôle près du canal. En retour, ces prisonniers fabriquaient des bagues en pièces de monnaie pour exprimer leur gratitude. Certains ont été mis à disposition dans les fermes alentours mais toujours gardés par un soldat.

La solidarité des habitants de Tinténiac ne s'arrêtait pas là. Notre commune devint un refuge temporaire pour de nombreux réfugiés, fuyant la guerre et ses horreurs. Les habitants, malgré les privations, se mobilisèrent pour les accueillir et les nourrir. Une famille belge, par exemple, trouva ici un abri et forgea des liens d'amitié avec la famille Brugallé, liens qui perdurent jusqu'à ce jour.

Malgré l'occupation, l'information circulait dans toute la commune. Le journal Ouest-Éclair était partagé, et les commerçants, comme le garde-champêtre Monsieur Demarcq, faisaient de leur mieux pour soutenir la population.

Cependant, il est important de rappeler que cette guerre n’était pas désirée non plus par tous les Allemands. Plusieurs témoins se souviennent des soldats allemands montrant les photos de leurs familles, des larmes aux yeux, loin de leurs proches.

La résistance et la solidarité face à l'adversité sont des valeurs qui ont caractérisé notre communauté durant ces années sombres. Elles nous rappellent que, même dans les moments les plus difficiles, l'humanité, le courage et l'entraide peuvent triompher.

Le 2 août 1944, jour de libération de la commune, fut un moment de grande réjouissance et d'émotion. Les premiers contacts avec nos libérateurs furent marqués par la rencontre entre les habitants et les troupes alliées. Madame Chollet, qui parlait anglais, joua un rôle crucial en facilitant la communication entre les soldats et les habitants. Grâce à son intervention, des liens importants furent établis, et les premiers échanges furent empreints de solidarité et de générosité.

Les Américains installèrent leur campement vers Rolin et apportèrent avec eux non seulement de l'espoir, mais aussi des gestes concrets de soutien. Ils distribuèrent, des chewing-gums, du chocolat, des allumettes, des cigarettes, des rations mais également de la viande congelée.

Parmi ces soldats, se trouvait un chien nommé Skeppe, venu avec des Anglais, qui trouva un nouveau foyer dans la famille Chabot. Cette famille accueillit chaleureusement les soldats américains, leur offrant une hospitalité sincère. Les soldats, très polis et respectueux, dormaient dans leurs tentes tandis que la maison des Chabot devenait un lieu de rencontre convivial pour les soldats américains.

Les troupes restèrent environ trois à quatre semaines avant de partir en direction de Rennes. Au cours de leur séjour, l'un des soldats, un tailleur de métier, exprima le désir de rester en France et de s'installer à Paris, témoignant ainsi de l'impact profond que cette terre de France avait sur lui.

En ce jour où nous célébrons la libération de Tinténiac, nous devons également nous souvenir de ce que Monsieur André Ferré a représenté : un symbole de courage, de dévouement et de sacrifice. Son histoire nous rappelle que la liberté pour laquelle nous nous battons n'est jamais acquise sans douleur, sans sacrifices, mais elle est toujours précieuse et digne de notre plus grand respect.

Nous rendons hommage à tous ceux qui ont lutté et se sont sacrifiés pour que nous puissions vivre libres. Nous célébrons les actes de courage, de solidarité et de générosité qui ont marqué cette période difficile. Que le souvenir de ces moments de bravoure et d'humanité reste à jamais gravé dans nos cœurs et continue d'inspirer les générations futures.

Vive Tinténiac ! Vive la liberté ! Vive la France !

-------

A l'issue de ce discours M. le Maire a remercié les personnes qui ont participé à l’organisation de la journée.

  • Nathalie Delville, 2ème Adjointe, qui en a piloté l'organisation,
  • les présidents et responsables des associations patriotiques : Cyril Gilbert, Thierry Mazurier et Joris Brouard,
  • Jean-Michel Bergougniou pour la création de l’exposition et le prêt d’objets,
  • Annick Brugallé-Bergougniou pour le prêt des photos réalisées par sa maman et son soutien dans les rencontres des témoins de l’époque,
  • Les agents municipaux notamment Franck Geffrault et Sébastien Letourneux, pour leur participation active à cette manifestation,
  • Frédéric Provost pour la création du carton d’invitation,
  • Eric Beaty pour sa venue au dernier moment grâce à la connaissance de Madame Bimbot,
  • et Franck Lemarchandel, Conseiller Municipal en charge des Affaires Militaires, qui a sonné l’hymne américain près de la borne de la liberté.

La cérémonie a été suivie d'un verre de l'amitié près de la Médiathèque, animé musicalement par la compagnie « The Sassy Swingers ».

Publicité
Écrire un commentaire

Publicité