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Commémoration en hommage aux Harkis à Melun

Ce matin, la ville de Melun a honoré la mémoire des Harkis et de leurs familles lors d'une cérémonie empreinte d'émotion et de respect. Un moment solennel pour rappeler le sacrifice de ces hommes et femmes qui ont servi la France avec loyauté.

Le Maire Kadir MEBAREK a prononcé un discours poignant, soulignant l'importance de reconnaître leur courage et leur dévouement. Une page de notre histoire qui mérite d'être commémorée pour ne jamais être oubliée.

Merci à tous les participants pour leur présence et leur engagement à faire vivre cette mémoire collective.

Retrouvez-ici le discours de Monsieur le Maire :

Discours pour la Journée nationale d’hommage aux Harkis et autres membres des formations supplétives

"Mesdames, Messieurs,
HARKI. Nom masculin qui signifie servant dans une formation militaire appelée Harka pendant la guerre d’Algérie mais aussi, par extension membre de la famille d’un Harki ou descendant d’un Harki.
C’est, Mesdames et messieurs, la définition qu’en donne le Larousse, suggérant ainsi que le qualificatif se transmet par le sang, de générations en générations.
Un mot singulier donc car il désigne encore aujourd’hui des centaines de milliers de français alors que les Harkis, ces militaires engagés du côté de la France pendant la guerre d’Algérie, n’ont été soldats, de fait, que pendant la guerre...
Réfugiés en France à partir de 1962, ceux que l’on appelle alors “Français musulmans rapatriés” ne forment pas une communauté. Non, c’est l’accueil que leur réserve la France qui va les souder autour d’une histoire partagée, celle de l’exclusion et du silence... une histoire qui serait peut-être restée longtemps enfouie s’il n’y avait eu les enfants de harkis pour se battre et être entendus et reconnus.
Des montagnes de Kabylie au Massif central, des camps de transit aux HLM de banlieue c’est à ce combat, davantage politique que militaire, que je veux rendre hommage aujourd’hui.
Ce combat, chronologiquement, est d’abord militaire. Alors que l’histoire de France a façonné des figures de fierté, comme les Poilus de 1914 ou les libérateurs de 1945, elle a oublié d’autres combattants, morts pour la France et tout aussi dignes de reconnaissance. Les Harkis sont de ceux-là. La guerre d’Algérie, les chiffres varient selon les sources, aura causé la mort de 250.000 à 400.00 algériens contre 26.000 soldats français. Une guerre qui marquera les cœurs et les corps, des deux côtés de la méditerranée.
Les premières violences contre les Harkis seront celles du FLN qui, en signant les accords d’Evian, s’était engagé à ne pas exercer de représailles contre les “français musulmans”. Mais dans les jours qui suivent le cessez-le-feu, des violences éclatent dans les villages contre ceux que la population considère comme des traitres. Et Paris commencera par fermer les yeux pendant que les pieds noirs, eux, non-musulmans, embarquent pour la France par centaines de milliers.
Les Harkis, encore officiellement français puisque l’Algérie l’est encore à ce moment-là, doivent rester dans “leur pays”. Avec l’indépendance du 3 juillet, la situation bascule. Torture, massacre, le FLN laisse faire et des dizaines de milliers de Harkis perdent la vie jusqu’à ce que la France accélère le rapatriement. Sur ces bateaux embarquent des femmes, des enfants, des hommes. On les mène vers un endroit où ils ne savent ni où ils vont habiter, ni où ils vont travailler, ni où ils vont aller à l’école...
Parmi ces “autres français” qui arrivent dans ce que l’on ne peut désormais plus appeler la “métropole”, il y a des anciens combattants des 2 guerres mondiales – ils étaient 160.000 pendant la 1ère guerre mondiale et 175.000 pendant la seconde, rappelons-le, il y a des élus, des hauts fonctionnaires, des notables au service de l’administration française en Algérie, des élites francisées formées à l’université française, et puis il y a les Harkis, plus ou moins pauvres, en tenue traditionnelle ou à la mode européenne, supplétifs de la première heure ou anciens du FLN retournés. Il y a beaucoup de paysans illettrés, des militaires, engagés volontaires ou parfois sans avoir eu le choix.
La suite des épreuves infligées à ces harkis aura lieu sur notre sol. D’abord, les camps de transit et de reclassement comme on les appelle, des camps censés être temporaires, où les conditions de vie sont terribles, et qui existeront des années durant, où les Harkis sont littéralement coupés du reste du pays auquel ils appartiennent. Le camp de Rivesaltes deviendra le symbole d’une trahison, celle de la France qui abandonne hommes, femmes et enfants.
Aux difficultés matérielles et à la promiscuité s’ajoutent la détresse morale et la douleur de l’exil. Le vent et le froid de l’hiver 1962 soulignent la précarité des installations. Avec le relogement des familles dans les baraques, la vie s’organise mais l’intégration des anciens supplétifs et de leurs familles est difficile. Rejetés par l’Algérie indépendante et donc par une part de l’opinion française, mais aussi par ceux qui les rejettent comme “arabes”, ils sont laissés pour compte par le Gouvernement français.
Puis ce sera le “reclassement”, les hameaux de reforestage et une ségrégation spatiale assumée. Les Harkis s’éparpillent dans l’hexagone avec une constante, ils sont laissés à l’écart, notamment géographique, de la société française.
C'est ici, à l’écart, dans la pauvreté, que la frustration soudera les enfants de harkis à qui on demande pourtant d’être “des français comme les autres” sans qu’ils ne côtoient les autres. Et pour ceux, jeunes enfants, qui auront la chance d’être scolarisés dans l’école du village, l’instituteur divise la classe en deux rangs distincts. Là, les enfants de Harkis découvrent le racisme. La dette envers des combattants de la République d’un côté, le racisme et la peur de l’autre. C'est cette tension permanente qui va guider le gouvernement français pendant ces années-là.
Dans toute la France, des quartiers nouveaux sortent de terre et beaucoup de harkis sont relogés dans les HLM en périphérie des villes. De l’eau courante, papa au travail, maman à la maison, pour les enfants de Harkis les HLM c’est comme pour les autres. L’intégration, pense-t-on, n’a jamais été aussi proche. La situation ne fera, en réalité, qu’empirer.
Les plus âgés des Harkis sont désormais à la retraite, le corps abîmé par le travail pour un pays qui n’aura jamais reconnu leur souffrance, le déracinement, l’exclusion, la précarité. Quant à leurs enfants, qu’ils soient nés avant ou après 1962, ils grandissent bercés par un sentiment de trahison et d’abandon mais aussi dans le silence. Le silence de ces familles qui ne parlent pas et beaucoup de ces enfants ne savent pas ou très mal ce que leurs parents ont vécu. A la maison, on se tait, comme si refouler permettait d’oublier. Entre une France qui les discrimine et une Algérie qu’ils ne connaissent pas, ces enfants ont pour beaucoup le sentiment d’être des citoyens de nulle part, d’autant que dans les années 1980, la population étrangère et en particulier d’origine magrébine se heurte au mur du racisme. Enfants de harkis ou d’immigrés, beaucoup de français ne feront jamais la différence.
Les fils de Harkis finiront par se rebeller, menant des actions, parfois violentes, dénonçant leur statut de citoyens de seconde zone, bannis en Algérie, exclus en France. Problème d’identité, précarité, échec scolaire, chômage, au début des années 1990 et malgré l’arrivée des premières aides aux parents, les enfants de harkis considèrent que la France doit solder sa dette.
Le 11 juin 1994, la loi relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie exprime solennellement cette reconnaissance aux anciens combattants harkis et membres des formations supplétives, reconnait leurs souffrances et prévoit des aides aux logements. Une première victoire qui ne concernera cependant que la 1ère génération. Il faudra attendre la fin des années 1990 pour que des mesures apparaissent en faveur des enfants de harkis.
La question des préjudices moraux reste elle entière et est au coeur des combats de la seconde et bientôt de la 3e génération. Un dévoir de mémoire pour lequel il faudra attendre Jacques Chirac en 2001 : « Les Harkis ont perpétué leur mémoire, dans l’honneur et le dévouement. (…) Aux combattants, à ces hommes, à ces femmes, j’exprime la reconnaissance de la Nation. C’est pour la France une question de dignité et de fidélité. La République ne laissera pas l’injure raviver les douleurs du passé. Elle ne laissera pas l’abandon s’ajouter au sacrifice. Elle ne laissera pas l’oubli recouvrir la mort et la souffrance. » Un premier pas, majeurs et des premiers mots, lourds de sens.
En 2012, Nicolas Sarkozy poursuivra dans cette voie : “La France doit, comme elle l'a toujours fait, regarder son Histoire en face et assumer les erreurs qu'elle a pu commettre. En l'occurrence rien ne peut expliquer, ni encore moins excuser l'abandon de ceux qui avaient fait le choix de notre pays. »
Il faudra attendre 2016 et François Hollande pour que la reconnaissance de cette souffrance s’exprime avec une parfaite clarté : « Je reconnais les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des Harkis, des massacres de ceux restés en Algérie, et des conditions d’accueil inhumaines des familles transférées (…) en France. Telle est la position de la France. »
Enfin, Emmanuel Macron fera le dernier pas, celui du pardon, en 2021 : “aujourd’hui, au nom de la France, je dis aux Harkis et à leurs enfants, à voix haute et solennelle, que la République a alors contracté à leur égard une dette. Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance. Nous n’oublierons pas. Aux combattants abandonnés, à leurs familles qui ont subi les camps, la prison, le déni, je demande pardon, nous n’oublierons pas. »
Dans le contexte d’une guerre fratricide, les Harkis ont choisi la France, avec pour seul guide leur sens du devoir. Aujourd’hui, nous sommes rassemblés pour rendre leur hommage. Cette journée d’hommage doit être l'occasion d'un renouveau mémoriel. Elle doit marquer l’intégration des Harkis dans la grande histoire de la France.
Ces dernières années, les gouvernements français ont enfin accepté de PENSER – P.E.N - la réconciliation avec les Harkis. A nous, maintenant, de PANSER – P.A.N - cette histoire.
Que les sacrifices de ces hommes soient pleinement reconnus par tous et qu’ils prennent leur juste place dans nos livres d’histoire mais surtout que la souffrance des enfants et petits-enfants soit reconnue car le temps fait son œuvre, et ceux qui ont vécu ces tragédies nous quittent peu à peu. Il est donc de notre devoir, plus que jamais, de préserver leur mémoire et de transmettre leur histoire aux générations futures.
Mesdames et Messieurs, moi Kadir Mebarek, maire de Melun et fils de Harki, j’aime la France du plus profond de mon cœur, comme j’aimais mon père. Et parce que j’aime la France, je ne ferai jamais fi de mon histoire car je veux que cette histoire irrigue et nourrisse ce pays pour le rendre plus fort en y faisant pousser notre capacité à reconnaitre la justice et l’humanité. Car l'histoire des Harkis, c'est l'histoire de la France, et la mémoire des Harkis est un miroir dans lequel se reflète notre capacité à reconnaître la justice et l’humanité.
Je vous remercie »

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W// Kadir Mebarek
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